S&OP- Quand le sentier disparaît, comment gardez-vous le cap ? 

Quand le sentier disparait, comment gardez-vous le cap ?

(Petite randonnée entre amis … ou métaphore grandeur nature d’un S&OP réussi)

En cette période estivale, il est temps de se déconnecter du quotidien, de se retrouver soi-même et de se ressourcer entre amis. C’est exactement ce que j’ai vécu il y a quelques jours, sous un ciel limpide. Après plusieurs semaines de discussions pour fixer le lieu, la date et le parcours, nous y sommes enfin face à cette montagne : sac à dos ajusté, chaussures bien rodées, crème solaire appliquée à la hâte.

Pour ma part, je savoure ce moment, légèrement en retrait, prêt à me laisser porter par cette parenthèse montagnarde, loin des réunions d’alignement qui désalignent, des plans figés qui se ramollissent au premier problème, et des ERP qui alimentent Excel. En tant qu’observateur tranquille, je me plais à découvrir les dynamiques émerger, presque naturellement.

Il y a ceux qui improvisent, avancent à l’instinct, plaisantent à voix haute. Peu importent le tracé ou les dénivelés : ils misent sur leur bonne humeur et leur entrain. Il y a chez eux une vitalité joyeuse, traversée d’un optimisme à toute épreuve, et c’est contagieux. Ce sont d’ailleurs eux qui écourtent le briefing matinal et entraînent la troupe à peine équipée, en lançant : « J’ai oublié ma gourde, mais j’ai du saucisson ! On verra bien, tant qu’on trouve un coin sympa pour pique-niquer à l’ombre… »

À l’opposé, certains ont tout prévu, impressionnants de préparation et de précision. Leur application de randonnée est soigneusement paramétrée, les horaires sont fixés, les dénivelés connus, les pauses anticipées. « Selon l’appli, on a 4h17 de marche, pauses comprises. À midi, on est au col. Ensuite, on redescend avant la chaleur. »

Et puis il y a les expérimentés sereins, mes préférés, pour leur force tranquille. Ceux qu’on remarque à peine. Ils parlent peu, mais observent : les jambes qui flanchent, les nuages qui gonflent, le sentier qui s’élargit ou se referme … Ils ont un coupe-vent dans le sac, une carte mentale du massif en tête, et des années d’expérience, faites de réussites et d’erreurs analysées et transformées en savoir utile.

La première partie de la marche se déroule sans heurts sur un sentier agréable, ombragé en sous-bois, avec quelques éclats de voix et le cliquetis des bâtons sur la caillasse. L’ambiance est légère, le rythme fluide, la température idéale. Tout semble s’accorder… jusqu’à ce que nous atteignions un carrefour non balisé. Deux chemins s’offrent à nous : l’un, large et en descente, semble plus direct, tandis que l’autre, plus étroit, s’élève doucement entre les pins.

Les regards se croisent, les hésitations s’installent. Les plus connectés sortent leur téléphone. Deux applis, deux fichiers GPX, deux interprétations différentes : « C’est à droite, ça grimpe un peu, mais c’est plus panoramique ! » « Non non, sur mon appli, on passe par la gauche, on longe la crête… » On zoome sur les données, on compare les courbes, les altitudes, les points de passage. Puis, sans vrai consensus, on finit par suivre celui qui semble le plus sûr de lui. Alors que le groupe commence à s’engager sur l’un des chemins, à mes côtés, le plus expérimentés de mes compagnons me glisse simplement, en consultant sa carte : « De toute façon, les deux tracés se rejoignent plus loin… » Comme quoi, avec les bonnes informations au bon moment, il est parfois bien plus simple d’y voir clair !

Plus haut, le ciel se couvre brutalement alors qu’une brume fine s’installe, puis s’épaissit. L’air devient moite, le sol plus glissant, le rythme ralentit et les discussions se font rares. Au sommet, le chemin prévu pour redescendre est bien là… mais il est raide, raviné, piégé de racines détrempées ! Rien que les applications n’avaient anticipé. Certains veulent poursuivre comme prévu : « On y va doucement, en file indienne, c’est faisable. » D’autres s’inquiètent : « Et si quelqu’un glisse ? On est loin de tout et on n’a pas d’équipement pour porter ! » Alors un autre scénario émerge : faire un détour par un second col, ce qui est plus long, avec un peu plus de dénivelé, mais plus stable et plus sûr… même si ce n’était pas le planning initial. Mais ce n’est pas hors de portée non plus. On se regarde. On jauge rapidement : qui fatigue, qui a encore de l’eau, qui pourra suivre. Un consensus se forme, sans débat, sans tension.

On prend le détour. Le silence est désormais plus concentré que tendu. L’itinéraire a changé, certes, mais pas le plan. Et surtout, tout le monde est aligné sur cette option, qui nous permet de progresser ensemble vers le même objectif… le plus lent en tête, allégé de son sac, porté sans un mot par les plus costauds. Quitte à prendre une bonne décision, autant réussir sa mise en œuvre ! Le détour a allongé la boucle d’un bon kilomètre. Les jambes tirent, les épaules fatiguent, mais curieusement, personne ne râle. Alors qu’on rejoint la crête, le chemin s’adoucit, le soleil revient doucement et les conversations reprennent. Des blagues sur les applis imprécises, une plaisanterie sur le saucisson rescapé, et surtout, cette sensation apaisante d’avoir réussi quelque chose ensemble. Personne ne parle de performance, personne ne vérifie si le timing a été respecté mais ce qu’on retient, c’est qu’on est revenus ensemble, sans blessure, sans tension, un peu plus soudés, peut-être.

En redescendant, je repense à cette journée. Il y avait ceux qui étaient venus les mains dans les poches, ceux qui avaient un planning ultra-détaillé et minuté, et ceux qui avaient un plan avec un cap, des alternatives et des marges de manœuvre. Au fond, ce n’est pas l’improvisation qui nous a sauvés. Ce n’est pas non plus la précision et le détail de l’itinéraire programmé. C’est cette capacité à choisir ensemble la meilleure option avec lucidité, souplesse et respect quand l’incertitude s’est invitée. Je regarde le groupe s’étirer sous les derniers rayons du soleil, les visages fatigués mais souriants. Et évidemment, une idée commence à se former…

Bon. Je m’étais promis de ne pas faire de parallèle avec mes missions, mais quand même… je crois que je tiens mon prochain exemple pour ouvrir le séminaire S&OP de ce groupe industriel à la rentrée ! Et vous, vous êtes dans quelle équipe ? Saucisson-improvisateur, carto-rigide ou adaptatif-aguerri ?