Performance : question de taille ou de mesure !

Qu’est-ce que mesurer sa performance ? Qu’avons-nous fait jusqu’à présent, quel chemin prendre pour suivre les évolutions des supply chains d’aujourd’hui et de demain ?

Les conférences récentes de Carol Ptak et Steven A. Melnyk à Toulouse début décembre m’ont mis en perspectives des idées ou concepts que j’utilise ou bien que j’ai « croisés » à l’occasion de missions sur le terrain.  Elles m’ont  amené à me recentrer sur les questions fondamentales pour bien choisir ses indicateurs.

Des basiques du Management Visuel :

Pendant des années, je ne concevais mon message que par une différentiation d’indicateurs de performance et d’indicateurs de pilotage. Le premier était vu par mon client, le deuxième me servait en interne. Du bon sens certes, mais il manquait un peu de hauteur et de perspective… Même si l’intérêt majeur était de pouvoir assez rapidement, installer des premières mesures souvent naturellement génératrices de progrès.

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L’arrivée du Lean dans ma vie professionnelle m’amena alors vers le pilotage visuel et son traditionnel « QCD » (Qualité Coût Délai) complété par le « SQCDP » avec la Sécurité et le Personnel. Ces lettres sont des signaux dits « Vert/Rouge », basés sur l’évolution d’un indicateur avec objectif (vert si atteint ou au-dessus, rouge si en deçà). Ce modèle est malheureusement mal employé, ou incomplet. (manque fréquent d’une vision tactique donnant la tendance sur une période plus longue que l’indicateur affiché). Le marché aéronautique est d’ailleurs toujours très friand de ce modèle, toujours actif chez de nombreux donneurs d’ordre.

Classiquement pour sa mise en place, un cadre « entreprise » est défini.

Et chaque secteur s’applique ensuite à établir son propre jeu d’indicateurs, dont les éventuelles dérives lui feront déclencher des actions d’amélioration.

J’ai assisté il y a quelque temps à des débats houleux lors d’un déploiement SQCDP, à propos de la notion de process confirmation (une liste de points, de questions, qui sont à poser pour s’assurer qu’un évènement ou une situation est ou n’est pas présente).

  • Faut-il réserver ce genre de questions à des vérifications de bon fonctionnement uniquement ?
  • Ou bien, dans certains cas, cela ne peut-il pas être un « indicateur » en soit permettant d’alimenter simplement un indicateur « vert/rouge » sur un tableau SQCDP ?

Encore une fois tout est question de bon sens pratique ; si ces questions permettent d’assurer la réalisation d’un objectif attendu, en se protégeant de situation dérivantes, alors oui cela peut devenir une donnée « indicatrice » de la santé de mon processus ou système productif. Soyons pragmatique que diable !

De l’intérêt des certifications Qualité :

Malheureusement, l’être humain étant imparfait, il pêche rapidement en ne maintenant pas ce dispositif actif et correctement employé, un mode de surveillance ou de contrôle de bon fonctionnement n’étant que peu souvent mis en place.

Il existe pourtant une solution simple et rapide, et qui ne demande que peu d’effort supplémentaire ; une correcte exploitation des normes ou une certification qualité !

En effet, alors que le processus de revue de direction propose tout le cadre nécessaire pour piloter cette performance de façon pérenne, les entreprises n’ont pas encore passer le cap de maturité pour exploiter pleinement ces exigences des systèmes qualités pour piloter sa performance :

  • d’un côté « Il n’y a pas d’amélioration sans mesure »,
  • de l’autre il y a une « obligation d’amélioration vers le client » !

Alors pourquoi attendre pour renforcer les revues de Direction pour quelle deviennent le pivot central de l’amélioration continue ? Pourquoi attendre pour que des revues de performance soient organisées pour baliser et valider le chemin fait tout au long de l’année ? Pourquoi ne pas concentrer  la société sur ses indicateurs prioritaires, et assurer la cohérence d’actions tout au long de l’année. Mais est-ce suffisant pour assurer l’avenir ?

Prenons un peu de hauteur !

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L’approche SCOR® propose la mesure de la performance sur la base d’un mix d’indicateurs client externe/interne pour soutenir sa stratégie d’évolution : le focus est clairement mis sur les attentes du marché et le positionnement de l’entreprise par rapport à un benchmark concurrentiel. Et ce, afin de prioriser les efforts à entreprendre pour se hisser dans les meilleurs de sa catégorie. Pour cela, le modèle conseille de choisir ses indicateurs de performances principaux parmi une liste simple et courte basée sur 5 thèmes, les 3 premiers étant orientés client externe, les 2 derniers plus client interne :

  • Reliability: aptitude à livrer le produit dans les délais, au niveau qualité et avec la documentation attendue par le client
  • Responsiveness: capacité à proposer un cycle de mise à disposition du produit au client attractif
  • Agility: capacité de l’entreprise à répondre à un accroissement soudain du volume de la demande client
  • Cost: suivi du « total cost to serve » principalement, illustrant l’ensemble des ressources à mettre sur la table pour pouvoir fournir le produit ou service attendu, autrement dit, le coût  nécessaire pour faire « opérer le process »,
  • Asset Management: Le Cash to Cash Cycle Time (un proche cousin du BFR), et le Return on Fixed Asset (retour d’investissement sur les immobilisations engagées pour piloter la supply chain) sont les 2 principaux indicateurs de suivi des investissements réalisés.

Le modèle propose ensuite des indicateurs de niveau 1 puis 2 associés à ces thèmes. Ces derniers pouvant être des éléments explicatifs de la performance ou non de ceux de niveau 1, ou bien des indicateurs qui seront suffisants pour piloter la thématique pour l’entreprise.

Le modèle SCOR® nous fait gagner du temps en sélectionnant les plus fréquemment utilisés, à chacun de piocher dans cette liste en fonction de son activité, de son marché et de ses priorités.

Ce schéma d’indicateurs est au final assez proche d’un système pyramidal. Les indicateurs sont définis dans une logique de déclinaison TOP DOWN ; partant d’une vision plutôt « stratégique » pour l’entreprise, en redescendant via les niveau ou « level » vers l’opérationnel terrain.

De son côté, dans son exposé sur les prochaines étapes proposées du DDI Demand Driven Institute, Carol Ptak a présenté une approche des indicateurs de performance différentes de ce qui vient d’être exposé avec le SCOR®. Le point de départ est ici l’opérationnel ; centré sur des indicateurs « client externe », pour remonter à un niveau tactique, pour converger sur des indicateurs stratégique clairement « client interne » cette fois. Les 3 indicateurs principaux proposés au niveau opérationnel  sont:

  • Le System reliability : s’assurer du respect des plannings par exemple,
  • System stability : s’assurer de la plus faible variabilité possible,
  • System velocity : faire sortir des pièces bonnes le plus vite possible.

Ces 3 indicateurs opérationnels sont considérés comme nécessaires pour alimenter les 3 indicateurs de niveau tactique… Eux même nécessaires pour alimenter les 3 indicateurs clé stratégique proposés. Et dans ces 3 indicateurs de niveau stratégique, nous retrouvons alors les indicateurs plus financiers dit « client interne » (Contribution Margin, Working Capital pour ne citer qu’eux).

Et alors, on fait quoi maintenant ?

On le sait bien, ces approches très libres pour certaines (SQCDP), plus encadrées (Certification Qualité) ou plus stratégiques (SCOR®), ce sont parfois transformés en machine à « cracher de l’indicateur ». Pourquoi cela ? La perte du bon sens, une superposition d’objectifs soit redondants soit contradictoires.

Steven A. Melnyk en marge de sa récente conférence à Toulouse, rappelait simplement ceci :

  • « In emergency situation, companies focused on symptoms, not on root causes »

Regardons la plupart des indicateurs que nous mettons en place, prenons la qualité par exemple ; partout on trouve un indicateur en % de défaut n, en ppm. Combien trouvons-nous d’indicateurs basés sur les 2 plus grandes causes de génération de pièces défectueuses ? Quasiment aucun ! Nous avons les outils pour les identifier (5Why’s, démarche 8D par exemple), mais nous ne les mettons que trop peu souvent sous surveillance. Et l’anecdote précédente sur le process confirmation en est la parfaite illustration ; de simples check de root causes potentielles ou avérées seraient plus efficaces qu’une mesure générique qui demandera in fine de redescendre à un niveau de détail que l’on refuse de suivre au quotidien… Bien que prépondérant.

Steven rajoutait ensuite :

“Measure must be driven by the expected outcome »

Ces outcomes vont devenir plus globaux, plus complexes .(voir son article « Emergence of the strategic leader » dans Supply Chain Management Reviexw de Nov2016). Avec un peu de recul, les modèles SCOR® et celui présenté par Carol Ptak semblent répondre parfaitement à cette affirmation. Tous 2 sont configurés pour aux 2 outcomes principaux suivants:

  • Favoriser le Flux: donc faire sortir les bons produits au bon moment pour le client,
  • Favoriser le ROI: afin de protéger et faire prospérer l’entreprise vers de nouveaux marchés.

Ces 2 axes de choix doivent redevenir centraux dans la définition des indicateurs dans l’entreprise. Que l’on soit dans une PME-PMI ou bien dans un grand groupe, l’imprécision n’ayant pour le moment épargnée personne.

Et si finalement, pour piloter sa performance, il ne fallait se poser que ces 2 questions essentielles :

  1. Qu’attend mon client (externe et/ou interne), est-ce que la mesure que je mets en place le servira ?
  2. Est-ce que les leviers d’amélioration des indicateurs de mon secteurs sont dans mes mains ou pas ?

L’avenir nous le dira. Et si on essayait ?