Depuis 2009, le règlement Européen (RÈGLEMENT (CE) No 1223/2009 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques) recommande fortement la traçabilité des produits cosmétiques.
Le règlement précise ainsi que ; « Garantir la traçabilité d’un produit cosmétique tout au long de la chaîne d’approvisionnement contribue à simplifier la surveillance du marché et à la rendre plus efficace. Un système de traçabilité efficace facilite la tâche des autorités de surveillance du marché pour retrouver les opérateurs économiques. »
Cette exigence réglementaire a pour but de permettre aux autorités de mieux identifier des circuits de vente relevant de la contrebande ou de la contrefaçon.
La traçabilité permet aussi de pouvoir recontacter tous les points de vente où le produit aurait été ou serait distribué… Notamment en cas de problème grave identifié sur un produit.
Mais qu’entend-on par traçabilité ?
Quelle est la différence entre traçabilité et positionnement en temps réel d’un produit (tracking) ? Comment appliquer cette traçabilité dans un réseau de distribution de cosmétique ? Quelles sont les exigences d’une mise en œuvre de cette traçabilité ? Comment en contourner les écueils ?
La traçabilité est définie par le Petit Robert comme ; « la possibilité d’identifier l’origine et de reconstituer le parcours d’un produit, depuis sa production jusqu’à sa diffusion. ». La norme ISO 9001 :2015 ajoute que cette traçabilité peut être liée ; « à l’origine des matériaux et composants, l’historique de réalisation, la distribution et l’emplacement du produit après livraison »
La différence avec le positionnement en temps réel (tracking) est l’historisation. Alors que dans un outil de tracking on recherche l’emplacement actuel d’un ou plusieurs produits (ou si la position n’est pas disponible les positions entre lesquelles ils se trouvent : « en transfert entre A et B ») ; dans un rapport de traçabilité on obtient la liste des points par lequel le produit est passé.
Pour l’application de la traçabilité dans un réseau de distribution cosmétique. Cela nous oblige d’abord à identifier la maille à laquelle il est souhaitable d’avoir une traçabilité. Cette maille n’est pas réglementaire :
- Si on exige une maille de traçabilité trop fine, par exemple, pour chaque produit commercialisé :
- Cette traçabilité par unité de consommation (UC) permet de faire des vérifications pertinentes pour identifier des marchés de contrefaçon ou des importations/exportations frauduleuses.
- Toutefois :
- On obtiendra un rapport qui nous donnera les lieux de passage de chaque unité, mais sera excessivement volumineux (525 000 shampoing sont vendus chaque jour en France).
- Cette traçabilité est difficile à obtenir car elle exige l’identification unique de chaque produit, une réalité sur certains produits de luxe mais peu ou pas d’existence sur les produits de grandes consommations.
- Cela aboutit enfin à une information surabondante.
- Si la maille de traçabilité est trop large, pour chaque type de produit :
- On obtient un volume de données plus limités
- La traçabilité est aisée car elle repose sur l’étiquetage déjà existant au niveau de chaque unité de vente
- Par contre cette traçabilité n’est pas efficace car elle ne répond pas au besoin de vérification de la pertinence du positionnement de tel ou tel produit dans le réseau de distribution. Chaque produit majeur étant distribué dans la plupart des points de ventes du réseau de distribution associé.
Il s’agit donc de trouver un point intermédiaire entre chaque produit unitaire et chaque type de produit.
La conclusion est que le besoin de traçabilité est pertinent par numéro de lot de production. C’est une maille qui permet de vérifier la normalité de la présence d’une unité de consommation spécifique sur un étal marchand… Tout en correspondant à une réalité industrielle.
Si une traçabilité de ce type (produit / numéro de lot) est la bonne maille de mise en œuvre, elle se heurte toutefois à plusieurs écueils. Le plus important est ; l’identification du lot de production ne peut pas être facilement capturée sur chaque produit. En effet le code barre produit (Le GTIN codé en EAN8 ou 13) qui identifie un type d’unité de vente, n’identifie pas le numéro de lot du produit. Pour des raisons évidentes de temps opératoire et de qualité de données, on n’imagine pas que ce numéro de lot puisse être saisi manuellement dans un système d’informations.
A partir de ce point, comment connaitre l’historique de la dispersion d’un lot au sein d’un circuit de distribution facilement… Et sans refaire l’ingénierie de l’étiquetage produit qui entraînerait la ré-ingénierie complète du packaging.
Sur les plateformes logistiques du réseau, chaque processus doit porter l’exigence de traçabilité :
- La réception doit permettre d’enregistrer dans le WMS chaque SSCC faisant à son tour référence à chaque couple produit/numéro de lot
- La mise en stock doit associer à chaque emplacement les mêmes données.
- La préparation de commande est l’étape la plus complexe car elle établit une filiation entre ancien SSCC et nouveau SSCC. En effet la préparation de commande exige souvent de piocher dans différentes unités logistiques pour reconstituer une unité logistique d’expédition. Il est alors probable que plusieurs produits et plusieurs lots soient mélangés, notamment à l’extrême pour les expéditions vers des détaillants. Il s’agit donc de récupérer à partir de tous les SSCC parents et à partir de la liste des produits figurants dans le SSCC enfants : tous les numéros de lots associés.
- L’expédition permet à nouveau de réaliser un EDI qui contient une liste de SSCC auxquels sont associés pour chacun une liste de couple produits/numéros de lot.
Pour cela on peut s’appuyer sur le SSCC (Single Shippping Container Code).
Le SSCC est le code unique qui permet d’identifier une unité logistique contenant plusieurs produits : un carton (SPCB/PCB – unité de conditionnement rassemblant plusieurs UC en cartons et sous cartons), une palette… Ce code peut contenir un certain nombre d’information, il est unique à chaque colis. C’est son unicité – Assurée par les normes définit par l’association GS1, responsable de la standardisation entres autres des codes-barres – qui permettra de lui associer des informations pertinentes dans une base de données.
En s’appuyant sur le SSCC, nous allons pouvoir associer à chaque unité de transport, une liste de produits avec leur numéro de lot associé.
Pour cela nous nous plaçons à la sortie de l’usine. Si nous voulons faire de la traçabilité au lot, il est nécessaire qu’à chaque carton (PCB/SPCB) mono produit/mono lot, on associe ce numéro de lot, soit en intégrant cette donnée directement dans l’étiquette SSCC et donc dans le code barre (EAN128 – Format de code barre) associé soit que l’on fasse référence à chaque couple produit/numéro de lot contenu dans chaque SSCC dans l’EDI – EDI : Echange de Données Informatiques, ici entre l’expéditeur et le destinataire de la marchandise – qui précise les livraisons à venir sur les plateformes logistiques avales.
Il est nécessaire de réappliquer ces exigences pour chaque niveau de plateforme : Internationale/Régionale/Locale…
Finalement, chaque maillon de la chaîne logistique de distribution doit transmettre à une base de données centrale la liste de tous les triplets ; produits/numéros de lots/date de réception, ainsi que la liste de tous les quadruplets ; produits/numéros de lots/date d’expédition/destination.
L’agrégation centralisée des données permet de connaitre la dispersion dans la chaîne de distribution des lots de fabrication.
On obtient alors bien une traçabilité allant de la production aux détaillants finaux du produit. Ne reste plus alors qu’à définir des processus efficaces d’exploitation de ses données. Ce dernier point pouvant être problématique en termes de temps d’exécution. En effet les actions découlant de cette exploitation sont souvent stratégiques. Et ils requièrent une implication du top management quant aux actions à prendre et qui doivent être exécutées très vite .(réaction à l’identification d’un marché parallèle, rappel de lot…)
L’exigence de ce type de traçabilité repose notamment :
- Sur la définition claire dans une base de données centralisées des codes produits, des numéros de lots, les Master Data.
- L’étiquetage clair de chaque produit et unité logistique
- L’encadrement des processus de réception, mise en stock, préparation de commande et expédition
- Sur l’existence d’EDI ou ASN (advance shipping notification) contenant les informations pertinentes : Chaque SSCC et ses composants
- Sur la définition et l’information d’une base de données centrales récupérant et organisant l’ensemble des données de traçabilité.
Quelques point clefs identifiés dans la mise en œuvre :
- L’implication des DSI et acteurs de la supply chain de distribution. Et dans une moindre mesure des responsables qualités/traçabilités industries.
- La caractérisation fine de chaque processus : quand capturer les données pour chacun d’entre eux.
- La mise sous contrôle des flux physiques annexes ; les flux liés à des actions marketings ou promotionnelles (Copacking et PLV), les flux retours, …
- L’intégration des nouvelles techniques d’identification
Nous sommes partis au départ du principe qu’il était souhaitable d’éviter de refaire l’ingénierie de l’étiquetage de nos produits. Mais qu’en est-il si on constate que les codes-barres EAN 8 & 13 sont les descendants directs et pratiquement invariants d’une technologie déployée dans les années 70, et que l’on souhaite explorer les alternatives.
Se pose alors la question de leur remplacement.
De nouvelles technologies majeures sont disponibles ;
- les codes bidimensionnels (Datamatrix – déjà normalisé au sein de GS1 – ou QR code),
- les codes EPC (Electronic Product Code) supportés par les puces RFID.
Ces nouvelles techniques d’identification sont capables de porter d’emblée les notions de codes produits, de numéro de lots.
La technologie RFID identifie même chaque produit de manière unique. Pour déployer cette technologie, le challenge est de vérifier la compatibilité du réseau de distribution vers les consommateurs ; avec l’emploi des puces RFID, d’implémenter cette technologie dans toute la supply chain. Le passage de n’importe quel ensemble de produits conditionnés à proximité d’un lecteur RFID permettra alors d’identifier chaque produit et numéro de lot associé. C’est un changement majeur ! Mais les bénéfices vont au-delà de la traçabilité à travers la simplification de l’ensemble des processus dans la supply chain.
Les codes bidimensionnels quant à eux permettent déjà, en plus du support de l’identification et de la traçabilité au lot, une nouvelle interaction avec le client final… Qui peut notamment avoir accès à des supports marketing dédiés en scannant le code avec un smartphone.
Auteur : Vincent Méraud, AGILEA.