Lorsqu’on parle de changement, nous évoquons souvent l’idée de prise de décision. Bien que la prise de décision implique une forme unilatérale de pouvoir, elle est souvent précédée d’un processus participatif où chacun peut s’exprimer sur l’idée émise ou la décision à prendre.
La manière la plus simple d’illustrer ce processus est la suivante :
La première étape est d’expliquer la décision à prendre avec ses différentes tenants et aboutissants. Ensuite, deux groupes vont se former pour évoquer les avantages/inconvénients du scénario.
En fonction de la liste, une orientation est décidée. Toutefois comme cette orientation comporte des inconvénients ; le groupe va chercher à faire des compromis en « dégradant » la solution ou en mettant en place des outils ou des règles pour limiter l’impact négatif de la solution.
Le problème de cette approche est qu’elle part du principe que la résistance aux changements est une chose unifiée qui s’exprime toujours au même niveau que le changement initial. Or, il existe un certain nombre d’articles* qui suggère que la résistance suit un processus, même dans le management.
Voyons l’une des approches :
1. Les 3 étapes de la conduite de changement.
Dans l’article mentionné précédemment, l’auteur décrit 3 niveaux de résistance aux changements :
- Nous ne sommes pas d’accord sur le problème.
- Nous ne sommes pas d’accord sur la solution.
- Et, nous ne sommes pas d’accord sur la manière d’implémenter la solution.
Comme vous pouvez le déduire ; en dépit du fait que les 3 propositions expriment un désaccord, il y a fort à parier que la manière d’aborder ces derniers soit différente selon les 3 cas. En effet, une équipe ne se met pas d’accord sur le problème de la même façon qu’elle va se mettre d’accord sur la manière d’implémenter la solution !
Cela veut dire qu’il faut une méthode qui permette de passer, en équipe, à travers ces 3 étapes… Mais également que les outils de cette méthode puissent être utilisés indépendamment, dans le cas où le groupe en serait à l’étape 2 ou 3. De plus pour que l’équipe puisse s’aligner, il faut que ce processus soit basé sur la logique et le sens commun… Et non pas nécessairement des outils scientifiques chiffrés ! Voyons quel processus peut être mis en place.
2. Un processus adapté et logique pour supporter ces étapes
Ce processus est séquencé en 5 étapes et fondé sur des principes de logique fondamentale. En effet, les différentes boîtes des éléments ci-après se lisent en faisant des connexions du type si « boîte du bas » alors « boîte du haut ».
La première étape consiste à aligner l’équipe sur l’objectif commun. Mais aussi les facteurs clés de succès de l’objectif ainsi que les conditions nécessaires à réunir pour atteindre cet objectif. Une fois cette étape faite, l’équipe comprend en général mieux les enjeux globaux du système étudié.
Par la suite, on va documenter comment le système actuel est en écart par rapport à ces objectifs. Puis nous allons essayer de déterminer les liens logiques entre les différents problèmes locaux des individus. Il est très courant que les bases de ces problèmes soient des compromis faits entre des indicateurs de performance locaux et des décisions locales de management.
Une fois cette réalité cartographiée, nous allons essayer de déterminer quels sont les principaux dilemmes qui existent entre ces indicateurs et décisions locales avec les différents symptômes. Souvent ces décisions locales servent des objectifs tout à fait acceptables pour l’ensemble du système… Bien qu’elles ne tiennent pas compte de tous les paramètres du système dans son ensemble.
Une fois ces compromis établis, nous allons chercher à comprendre les différentes croyances se cachant dans ces compromis. Ces croyances sont souvent le cœur du problème mais aussi de la solution. Une fois cette croyance découverte, il est faisable de proposer des débuts de solution et de construire l’arbre des réalités futures avec ces débuts de solution. A ce stade, le groupe vient de se mettre d’accord sur l’objectif général et sur la situation actuelle. Le groupe possède également un début de solution qu’il convient de tester.
Dans l’arbre des réalités futures, nous allons prendre la solution et voir si elle génère les effets positifs souhaités.
Souvent on se rend compte que la solution a besoin d’autres éléments pour remplir les effets désirés. Ainsi à ce stade, l’équipe est en train de construire une solution consolidée ensemble, qui répond à ses besoins en fonction de son périmètre. Une fois la direction de la solution validée, incluant les différents ajouts pour la consolider, le groupe peut entamer l’étape du plan d’implémentation.
Dans cette dernière étape, le groupe va lister tous les obstacles empêchant de mettre en œuvre la solution. Et les reformuler de manière positive pour aboutir à la séquence des tâches à effectuer. De plus, certains obstacles pourront nécessiter des actions supplémentaires que l’on peut contrôler avec la logique des Si…alors…
3. Comment mettre en œuvre ce processus ?
Au-delà des banalités usuelles qui consistent à dire qu’il faut réunir une équipe pluridisciplinaire, respecter les règles de bien séances, etc. Il faut surtout mettre en œuvre un climat où le questionnement est autorisé. Il convient en général de pousser le groupe à faire des remarques non pas à travers des commentaires ou des jugements de valeur mais plutôt à les formuler sous forme de questions. Par exemple, il y a plus de richesse dans la question suivante ; « A quel point/fréquence le problème mentionné empêche l’atteinte de l’objectif ? » que dans la remarque : « Ton problème n’est pas un vrai problème pour notre société. »
4. Quels sont les risques et inconvénients de cette approche ?
Plusieurs risques à cette approche existent : en dépit de la logique de ce processus, le résultat visuel est particulièrement affreux. Il convient donc de synthétiser de manière précise les différents arbres au risque de perdre l’auditoire dans la présentation. Un des moyens consiste à combiner ces outils avec les méthodes Lean de Hoshin Kanri. (cf. article du mois prochain sur les supply chains résilientes).
Un autre risque est que les compromis entre les indicateurs locaux, décisions et problèmes actuels peuvent être difficiles à changer d’un seul coup. La solution la plus pragmatique consiste à définir au moment de la première étape, les différentes zones de contrôle, d’influence et hors zones du système étudié… Et de positionner dans l’arbre des réalités futures ces différentes zones.
Une alternative consiste à laisser s’écouler un peu de temps entre la définition du problème, la direction de la solution et l’implémentation de cette dernière. En laissant quelques jours entre chaque étape, les différents membres de l’équipe peuvent digérer et revenir avec des suggestions innovantes.
5. Conclusion
En définitive cette approche est très puissante en terme de construction d’équipe en dépit des quelques risques qu’elle présente. Par ailleurs, elle permet en l’espace de quelques jours d’avoir une vue complète des différentes connections à l’intérieur d’un système. Enfin quand cette méthode se couple avec d’autres approches telles que les outils du Lean ou de la gestion de projet, il devient aisé de la communiquer et de l’exécuter.
*The Layers of Resistance – The Buy-In Process According to TOC Efrat Goldratt-Ashlag
**The Logical Thinking Process : A Asystems Approach to Complex Problem Solving