Tout est presque fini. Comme hier. Et avant-hier.” — Le Grinch, roi du 80 % permanent
Le Grinch adore les chiffres ronds. 50 %, 80 %, 95 %. Plus ça brille, plus il se sent productif. À chaque réunion de suivi, il aligne les pourcentages comme des décorations sur son tableau de bord : “Regardez, tout avance !”
Sauf que personne ne livre rien.
Dans son monde, un jouet “presque terminé” vaut autant qu’un jouet livré. Un traîneau sans rennes, une poupée sans robe, un cookie sans four : tout ça, pour lui, c’est “à 90 % prêt”. Les lutins s’y perdent, les barres de progression montent, et les traîneaux restent au sol. Le Grinch mesure ce qui est fait, pas ce qu’il reste à faire. Résultat : quand il croit être à 90 % alors qu’il est juste au milieu de la galère.
Ses réunions de suivi sont un chef-d’œuvre d’inefficacité. Il y passe des heures à commenter des chiffres vides : “Alors, c’est en bonne voie ?” “Oui, on a presque fini de presque finir.”
Et tout le monde hoche la tête, coche des cases, puis retourne bricoler dans l’urgence, convaincu qu’être occupé équivaut à progresser. C’est la grande messe du presque.
Le Grinch adore aussi les courbes. Il les imprime en couleurs, trace des moyennes, et colle le tout au mur pour montrer que tout est “sous contrôle”. Il appelle ça du pilotage visuel. Les lutins, eux, appellent ça une œuvre d’art abstrait. Les chiffres montent, descendent, fluctuent, mais rien ne change : la livraison de Noël glisse doucement vers le désastre, dans une parfaite illusion de maîtrise.
La vérité, c’est que le Grinch pilote en regardant le rétroviseur. Il se félicite de ce qui est déjà fait, au lieu de concentrer son énergie sur ce qu’il reste à accomplir. Il confond activité et avancement, mouvement et progrès. Dans sa tête, plus on parle du projet, plus il avance. Plus il met à jour ses tableaux, plus il croit maîtriser le temps. En réalité, il ne fait qu’entretenir l’illusion du contrôle.
Il ne se demande jamais la seule question qui compte :“Que reste-t-il à faire pour livrer Noël à temps ?”
Les jours passent, les pourcentages gonflent comme des ballons, et tout le monde se félicite de l’excellent “taux d’avancement global”. Jusqu’à ce que la veille du 24 décembre, le Grinch découvre que le traîneau n’a pas de harnais, que la peinture n’est pas sèche, et que personne n’a emballé les cadeaux.
Il ne comprend pas :
“Mais… on était à 90 % !”
Oui, 90 % de confort et 10 % de catastrophe.
Mais dans un projet, ces 10 % sont justement tout le projet.
Le Grinch venait de redécouvrir, à sa manière, la loi non écrite de tout bon chef de projet :
“Ce n’est pas parce que c’est presque fini que c’est livrable.”
🧠 Mini morale du coach
- Mesurer le “fait” flatte l’ego ; mesurer le “reste à faire” éclaire la réalité.
- Les réunions de suivi ne servent qu’à une chose : décider ce qu’on fait maintenant pour réduire le retard.
- Un projet à 90 % terminé reste un projet à 0 % livré.
