Ces derniers jours, une étude d’un de nos cabinets partenaires Fapics a retenu toute notre attention. Cette étude fait un état des lieux sombre de la situation en gestion de projet : croissance du nombre de projets à réaliser, complexité grandissante avec des ressources de plus en plus limitées et une incertitude de plus en plus incertaine.
Les conclusions semblent même indiquer que la situation va empirer dans les prochaines années avec le niveau de complexité croissant des systèmes.
Nous ne pouvons que partager cette conclusion. D’autant plus qu’une précédente étude de Standish Group de 1994 révèle exactement les mêmes informations. Nous partageons sans appel cette liste de constats mais elle est pour nous une liste de symptômes révélant un mal bien plus profond et ancré dans nos habitudes de management de projet.
En effet, nous constatons que la plupart des chefs de projet et des managers sont pris dans de multiples étaux de conflits inter-organisationnels :
1° Réduire ou Augmenter la durée des tâches
Combien de temps un chef de projet doit passer à négocier ses délais de réalisation de tâches et projets ? Cette approche est même proposée à travers des jeux tel le poker pour valider en groupe la durée d’une tâche.
Le problème est le suivant : Si vous évaluez vos équipes sur leur capacité à terminer à l’heure chacune de leur tâche, quel est le seul moyen pour elles de tenir leurs objectifs ?
>> Augmenter ou négocier la durée de leurs tâches pour se protéger. Ne soyons pas surpris que les durées soient jugées irréalistes ou que les durées des projets s’allongent.
2° Travailler ou non en multitâche
Qu’entend-t-on par multitâche ? Le fait de démarrer une tâche, de ne pas la finir, débuter une autre tâche que l’on ne finit pas et reprendre la première.
Le problème du multitâche est le suivant : au-delà du fait que c’est une compétence réclamée sur quasiment chaque fiche de poste de chef de projet, ce sont les conséquences qui inquiètent :
L’individu doit se souvenir de ce qui a été fait (temps de réglage), il est possible qu’il doive retravailler une partie de ce qui a été fait mais surtout la durée de la tâche va augmenter.
3° Démarrer au plus tôt ou au plus tard
C’est le dilemme de toute personne travaillant dans un mode projet : démarrer sa tâche/son projet au plus tôt ou au plus tard.
Au plus tôt, vous augmentez le nombre de tâches dans l’en cours et prenez le risque de perdre des priorités et surtout de faire du multitâche. Au plus tard, vous n’êtes plus protégé des aléas du projet.
4° Démarrer avec ou sans tous les éléments pour terminer les tâches
A quelle fréquence démarrez-vous des tâches sans avoir tous les éléments pour les terminer ? Souvent ?!
Très bien, et quand vous recevez l’élément manquant, à quelle fréquence l’élément que vous recevez engendre une reprise de l’activité que vous pensiez avoir pourtant bien fait ? Souvent ?!
Bienvenue dans le monde du kit incomplet,
où démarrer des tâches sans avoir tous les éléments est une pratique tellement répandue qu’elle fait partie de l’environnement admis.
Si vous relisez les éléments en gras, quelque chose retiendra peut être votre attention avec des environnements industriels en flux physique :
- Évaluer les équipes à terminer chacune de leurs tâches à l’heure.
>> Croyons-nous que c’est la somme des optimisations locales d’un flux de fabrication qui améliorera l’optimum global ?
- Démarrer une tâche, ne pas la finir, démarrer une autre tâche, ne pas la finir et revenir à la première.
>> Comment réagirait une équipe de fabrication à qui nous demanderions de régler la machine, fabriquer un peu, stopper, refaire un réglage, fabriquer un peu, stopper et refaire le premier réglage pour terminer ?
- Augmenter le nombre de tâches dans l’en cours en lançant au plus tôt ou ne pas lancer mais prendre le risque d’un problème de dernière minute.
>> Augmenter le niveau d’en cours indéfiniment génère de longues files d’attente augmenter le temps de passage des opérations.
- Débuter la réalisation de tâches sans avoir tous les éléments.
>> Même si c’est une pratique encore quelque peu répandue en fabrication, quelle est la pertinence de lancer en fabrication des ordres d’assemblage avec des manquants ?
Ces pratiques semblent ignorer un principe fondamental : la gestion de projet est un FLUX !!
Si la gestion de projet est un flux, alors il faut gérer les projets et les tâches comme un flux. Par conséquent, plusieurs pratiques de flux peuvent s’appliquer.
Il existe notamment une approche développée par le champ de la Théorie des Contraintes en 1997 appelée le Management de projet par la chaîne critique.
La chaîne critique se définit comme la plus longue séquence de tâches d’un projet sans conflit de ressource. En effet elle part du principe que le multitâche tel qu’il est généré dans des diagrammes de Gantt masque la véritable criticité du projet.
Une fois cette séquence identifiée, elle propose de prendre une partie de ces temps (50%) et d’en positionner une partie (50% également) à la fin du projet afin de protéger le projet dans son ensemble et non plus une somme de tâche.
En effet cette approche part du principe que les protections locales sont consommées à travers le Syndrome de l’Etudiant et la Loi de Parkinson.
Cette approche, compte tenu de sa définition, limite/interdit le multitâche. Ainsi les équipes se concentrent à exécuter le plus vite possible.
Par corollaire, il n’est plus question de démarrer une tâche sans avoir tous les éléments !
Cela va à suggérer qu’il est plus moins grave d’avoir une personne inoccupée plutôt qu’une personne à travailler sur des tâches qu’elle ne peut pas finir !! (Si par hasard, vous vous dîtes que vous pourriez démarrer sans tous les éléments que vous pourriez stopper à un endroit sans que l’élément manquant vous impacte, c’est que vous avez deux tâches et non pas une !).
Enfin dans tous les projets, il existe une voire deux ressources critiques, le management de projet par la chaîne critique suggère de tirer du flux en fonction du débit de cette dernière. Ainsi cela permet de réguler l’en cours des tâches et des projets dans un système.
AGILEA a développé cette approche depuis quelques mois maintenant et les résultats sont disruptifs pour la plupart de nos clients.
Des 60 personnes que nous avons formé depuis 6 mois, nous collectons les retours suivants :
- « C’est plus simple et plus rapide à mettre en œuvre », Responsable du Bureau d’Etudes d’une société parapétrolière
- « C’est tellement logique que j’ignore comment nous faisions jusqu’à maintenant », Responsable Supply Chain d’un fournisseur de luminaire
- « L’approche est nouvelle sur tous les points à la fois techniques et management ! Cela vaut le coup d’essayer », Chef de projet ERP.
Des discours mais aussi des résultats. Un de nos clients, fournisseur de luminaires industriels a récemment gagné un contrat de marché public. Cette PME de 32 salariés développait 4 nouveaux produits chaque année avec une croissance de 3 à 5%. Ce gain de marché nécessitait de développer 70 nouveaux produits pour son nouveau client en 12 mois.
6 mois après le début de la mise en œuvre, aucun nouveau produit n’était disponible. Ils ont donc décidé de faire appel à notre société et l’approche chaîne critique pour rétablir la situation.
AGILEA a appliqué son Programme 20 jours pour tout changer qui, à travers l’induction de progrès, permet aux équipes d’installer les mécaniques méthodologiques de la chaîne critique sur l’ensemble de l’organisation
(Comité de Direction, Managers et Equipes opérationnelles).
Nous étions en Juin avec une fermeture estivale au mois d’Août. Deux semaines après le début de la mission, la société proposait 4 nouveaux produits à son client – soit autant que l’année précédente. A la fin du mois d’octobre, la société avait terminé les 70 nouveaux produits.
Le client était tellement surpris que le projet se termine à l’heure, qu’il aurait pu accélérer son plan de déploiement. Dans cette démarche, il a dû demander aux fournisseurs concurrents de terminer plus vite les opérations de développement.
Malheureusement, ce client a découvert que ses autres partenaires étaient en retard et seraient éventuellement près d’ici 8-10 mois après le jalon d’octobre !
Compte tenu que notre client avait terminé sa portion de travail ET que les contrats bénéficiaient de clauses de ruptures, nous avons proposé de reprendre une partie des produits non développés.
Le client, dubitatif, a voulu tester la société sur un échantillon de 5 nouveaux produits qui lui ont été remis 2 semaines après…
Par conséquent, ce n’est pas 70 nouveaux produits que la société a réalisés mais 95 en 6 mois ! Son chiffre d’affaires a cru de 60% et les murs semblent étroits pour absorber l’intégration de nouveaux produits. Un nouveau bâtiment est à l’étude.